10/12/2018
Sur la plage abandonnée...
Seuls au monde, au long des rives douce
Heureux privilégiés de décembre au bord du bassin.
07:06 Publié dans .... de familiae vita, actu, Aquitaine et Grand Sud Ouest, Arcachon, Automne 2018, Dire l'Amour , Autour du coeur..., Environnement, nature, Gironde, Marcher, Mes amours musicales, Mon bassin, Musique pour le jour et la nuit, Objectif et grands formats, Océan et mer, Passions | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : arcachon, hors saison, bassin, plage joigny, décembre, privilégiés, trio avec piano, brahms
17/11/2018
Tempête de bleu
Le bassin est mon champion , il porte haut ma couleur
Calme de novembre, bleus à l'infini
Comment ne pas dire mon amour à mon bassin ?
08:52 Publié dans .... de familiae vita, actu, Anthologie personnelle de la poésie, Aquitaine et Grand Sud Ouest, Arcachon, Automne 2018, Dire l'Amour , Autour du coeur..., Environnement, nature, Gironde, Mon bassin, Océan et mer, Passions | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : arcachon, bleu, bassin, calme, novembre
04/10/2018
L' automne en pages douces
Mise , un peu à jour, en cette fin octobre 2018
"Un livre ouvert est un cerveau qui parle ;
fermé, un ami qui t’attend ;
oublié, une âme qui pardonne ;
détruit, un cœur qui pleure."
Robindranath Tagore
Que de livres lus depuis 3 ans...
toute petite sélection :
envie d'évoquer un beau coup de coeur pour Gaëlle Josse
Un écrivain qui vous prend par le coeur et qu'on ne lâche plus.
dont l'ensemble de l'oeuvre est un ravissement.
Que vous conseiller ?
TOUT
2 romans en lien avec la musique :
Un été avec Schubert
Nos vies désaccordées
2 en lien avec la peinture
L'ombre de nos nuits
Les heures silencieuses
sur fond historique
Le dernier gardien d'Ellis Island
Noces de neige
Son dernier ouvrage
" Une longue impatience "
Autant de joyaux d'écriture , d'intimisme,
de délicatesse et de violence mêlés .
Un très grand auteur discret, et magnifique.
et puis, une révélation, Adeline Dieudonné
Premier roman , extraordinaire,
déjà retenu dans la première sélection du Goncourt
et du prix Renaudot
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Hier, en direct du musée du Bardot à Tunis,
on a appris que Sansal était mis out
de la sélection du Goncourt 2015;
se battre depuis si longtemps au péril de sa vie
contre les intégrismes
n'est pas si bien vu que
cela .
Sans Goncourt , Sansal a l'oreille attentive de
ses lecteurs, sa parole ne s'en taira pas
pour autant, c'est cela qui compte avant tout.
" 2084 "
La fin du monde
le dernier ouvrage de Boualem Sansal, Gallimard collection Blanche, retenu sur la liste des candidats au prix Goncourt 2015 ne le laissez pas passer !
Sansal s'inscrit ici dans la ligne de Orwell pour dénoncer et brocarder les dérives et l'hypocrisie du radicalisme religieux qui menace les démocraties.
Et relisez ( ou lisez, vite ) "Le Serment des Barbares "
à " La Grande Librairie " du 24 septembre, divergence profonde entre Yasmina Khadra et Boualem Sansal, je penche davantage du côté de Sansal, mais ça ne regarde que moi.............
Boualem Sansal : "2084. La fin du monde"
Il en restait un de la production de Jean-Christophe Rufin, un qui avait échappé à ma lecture, "GLOBALIA" :
La démocratie dans Globalia est universelle et parfaite, tous les citoyens ont droit au " minimum prospérité " à vie, la liberté d'expression est totale, et la température idéale. Les Globaliens jouissent d'un éternel présent et d'une jeunesse éternelle. Évitez cependant d'en sortir car les non-zones pullulent de terroristes et de mafieux. Évitez aussi d'être, comme Baïkal, atteint d'une funeste " pathologie de la liberté ", vous deviendriez vite l'ennemi public numéro un pour servir les objectifs ...
si vous aimez réfléchir un peu sur notre société, sur la liberté, l'uniformité et l'ennui, sur la toute puissance du pouvoir économique, sur les politiciens fantoches, la destinée écologique de la planète, le rôle des media, la place de l'étude de l'Histoire, le contrôle de l'information...si vous aimez la belle écriture,
bref si tous les sujets qui font notre quotidien vous intéressent, jetez vous sur Globalia, un roman d'anticipation , une fable politique dans la veine du Meilleur des Mondes ou de 1984
J'en tire une conclusion effrayante :
Méfions -nous des avenirs radieux..........................
Lecture à la radio : délicieuse émission de Guillaume Gallienne,
entendre Proust !
ne vous privez pas de ce moment de pur bonheur.
L'été est une délicieuse période pour ouvrir, rouvrir des pages et
des pages.
" Les livres sont des amis discrets qui ne viennent
que quand on le souhaite."
Eugenio Orrego Vicuña
Que vous proposer pour ces journées chaudes où l'ombre des
maisons favorise la lecture, l'évasion immobile ?
Un passage dans une maison que je vénère , villa Sully, dans ma
ville natale, la maison de mon maître
es littérature,
Georges Bourgeade,
celui qui a tant et tant marqué
ceux qui sont passés par son
enseignement,
retrouver son bureau intact tel que je l'ai connu il y a 50 ans,
la platine aux disques vinyl, bavardages à n'en plus finir
avec sa fille Jeanne, partages émouvants , et partout, comme
disait Sartre, " ces pierres levées, droites ou penchées, serrées
comme des briques sur les rayons de la bibliohèque, ou noblement
espacées en allées de menhirs... " , ces livres sur lesquels
nous avons adossé nos exitences.
Saint-Simon, Maupassant, les auteurs russes, Jules Renard,
Camus,Balzac, Flaubert, Montaigne, Claudel, Gide, Proust, les
Grecs et les Latins, ...les collections de La Pléiade, Les Belles
Lettres...
Je n'ai plus envie d'autres lectures, seulement me replonger
dans ces adossements,
l'été plus encore, le temps s'offre, il faut du souffle, de la
disponibilité pour ces pages : ce sera sans doute le choix d' une
nouvelle lecture de
" La Recherche du Temps Perdu ",
pour moi qui ai en partie retrouver le temps lors de ces
derniers jours . Bel été à vous, avec des lectures magnifiques.
MISE à JOUR (et à JOUIR ) :
Le beau temps vous fait sortir? Curieux, moi, il m'incite à me
caler sur le transat, bientôt sur le sable, avec un bouquin,
comme d'habitude, mais au soleil, au grand air, histoire d'aérer
le neurone , le dernier actif, celui qui tourne en boucle;
à peine achevés " Check-Point "
le dernier cru ( excellent ) de Jean Christophe Ruffin
et "Le Voyant " de Jérôme Garcin ( voir billet précédent )
je fouille, je reviens vers des amours anciennes, je quitte
certains, j'en reprends d'autres :
" Le Royaume " d 'Emmanuel Carrère ,
" La déesse des petites victoires " de Yannick Grannec,,
Paul Veyne " Et dans l'éternité je ne m'ennuierai pas "
le printemps est là, le transat en est tout guilleret
les habitudes de lecture,
automne, hiver, printemps, été demeurent .
On reprend et on complète une note de novembre dernier:
( je le ferai régulièrement sur cette même page ,
jusqu'à ce qu'elle explose !)
je lis, tu lis, il lit,
nous lisons, vous lisez, ils lisent,
2014 s'annonçait aussi remplie que 2013 :
2015 est déjà bien fournie:
les livres, toujours les livres, l'infini bonheur de s'immerger au fil des pages dans la fiction, ne plus voir passer le temps, des nuits jusqu'à pas d'heure, mais qu'importe ! le bonheur de la lecture l'emporte sur tout et comme je plains celui qui se tient ignorant de ce bonheur - là.
Entre amis, entre nous, on commente, on s'échange et des livres, et des titres, on s'écharpe, pas toujours d'accord sur le ressenti, ( tient , j'ai beaucoup de mal avec " Confiteor " du Catalan Jaume Cabré )
Après avoir achevé tout Mankel,
henning mankell : Fatras en bleu
tout Lemaître,
Pierre Lemaître, du polar au Goncourt et vice-versa : Fatras ...
Robert Goddard, "Heather Mallender a disparu", du mal à finir, trop répétitif, filandreux, tire à la ligne.
"La Salamandre " J C Ruffin,
Caryl Ferey avec un thriller politico-ultra violent " Mapuche " sur la dictature argentine,
"Millenium " de Stieg Larsson (c'est fait, c'est lu !) ,
découverte :
Stuart Neville , pour "Les fantômes de Belfast " un Irlandais qui nous trimbale avec une force surprenante dans la société irlandaise , toujours bouleversée par la guerre civile,
un Ecossais, Peter May, pour "L'île aux chasseurs d'oiseaux "
premier volet de la" trilogie de Lewis"
et puis un romancier du grand nord norvégien Jo Nesbø
( " Chasseurs de tête " ,"Le léopard " )
le dernier Marc Dugain " L'Emprise "
je m'attaque à l'intégrale de Mickael Connely
Je vous donnerai mon sentiment dans quelque temps.
_________________________________________
4 novembre 2013 :
Terminé " Les chaussures italiennes, " avec émotion, Mankell est vraiment un très grand de la littérature
Hier, relu " La Chambre des officiers "
Marc DUGAIN
vision d'apocalypse " intimiste " de la guerre de 14 - 18 à travers le sort des gueules cassées, ces hommes fracassés dans leur chair et leur cœur,
l'évolution de la chirurgie maxillo-faciale qui en était à ses balbutiements,
univers clos de l'hôpital, où sont plus que partout cloisonnées les classes sociales,
l'armée reflète la société, séparant les hommes de troupe des sous officiers, eux mêmes séparés des officiers, et de la seule femme blessée qui brise le tabou et rejoint ses compagnons d'infortune. Un livre dont on sort aussi fracassé que les protagonistes.
"...Le blessé à la peau mate s'est éteint ce matin. L'éclat d'obus a fait son œuvre au cerveau sans lui laisser la moindre chance. On est venu l'enlever quelques minutes après la première ronde de l'infirmière, à la hâte, comme pour faire disparaître toute trace de son passage. Un nouveau blessé est venu le remplacer quelques heures plus tard. L'infirmière, parce que je suis le plus ancien de la chambrée, se fait un devoir de m'informer des mouvements.
J'apprends ainsi que le nouveau venu est un pilote dont l'aéroplane s'est écrasé en flammes dans les plaines de la Marne. Les Allemands sont donc arrivés jusque-là! Il est encore vêtu de ce blouson et chaussé de ces bottes d'aviateur qui font l'admiration des hommes de l'infanterie. Mais son visage, que je n'aperçois que dans le clair-obscur de la fenêtre qui surplombe son lit, ressemble à un grand caramel noir, brûlé et déformé. Plus trace de moustache ni de paupières. Plus aucune forme humaine.
Lors de sa visite quotidienne, le chirurgien m'annonce que ma première opération a été un succès. Qu'il a réussi à venir à bout des multiples constrictions que le repli des tissus déchirés avait engendrées. Il détaille la suite des opérations avec beaucoup de franchise, conséquence, dit-il, de la confiance qu'il accorde à ma qualité d'officier:
- Pour tout dire, lieutenant, je suis dans l'attente de matériaux nécessaires à la reconstitution de votre maxillaire supérieur, et en particulier de votre palais qui, vous le savez, fait défaut. Pour cela, je ne vois pas d'autre méthode qu'une greffe osseuse. J'envisage de vous greffer des os humains. Je suis dans l'attente d'os de nourrissons qui seraient décédés fortuitement. J'ai informé mes collègues, médecins des hôpitaux civils, du caractère pressant de ma requête. Dès que l'un d'entre eux sera en mesure d'y accéder en me fournissant cette "matière première", si vous me passez l'expression, je pourrai hâter la reconstruction de votre mâchoire supérieure. Cela ne se réalisera pas bien entendu en une seule opération, mais nous sommes sur la bonne voie.
A la nuit tombante, la chambre aux hauts plafonds est silencieuse comme à l'accoutumée. J'appréhende ces nuits agitées, ces cauchemars oppressants qui me réveillent à intervalles réguliers et qui recommencent là où ils s'étaient interrompus, avant que je me rendorme, bercé par le râle sourd de mes compagnons qui s'accrochent à la vie sans le savoir.
Les réveils sont encore plus terrifiants, car ils déchirent le voile de l'irréel.
Seul l'éther parvient à réveiller mon odorat..., pour l'endormir aussitôt. Et le goût, qu'on dit venir du palais, s'efface pour toujours devant la soupe de légumes broyés qu'on m'entube jour après jour. J'ai la sensation que toute ma personne est désormais organisée autour de ce trou, de cette béance qu'on ne sait combler. Seuls les bois de cerf repoussent après la tombée. Et lorsqu'on en est au point de joindre la lèvre inférieure au bout d'un nez qui n'a plus de cloison, on est incapable d'imaginer comment on pourrait donner forme à ces guenilles.
Je rêve de Clémence chaque nuit. Le jour, je me défends d'y penser, de raviver son souvenir et encore moins d'imaginer son avenir. Ce qui différencie l'animal de l'homme, c'est que l'animal ne fait aucune place au futur. Dans mon cas, ce serait une commodité. Mais le présent n'apporte aucun soulagement non plus.
Je n'ai pas encore le goût de lire les histoires des autres, de me plonger dans la trame de leurs vies, alors que la mienne me paraît si chahutée. Tandis que mes compagnons luttent pour le retour à la conscience, je joue aux cartes, seul; je fais les patiences que mon grand-père m'a apprises. De temps en temps, je fais une pause dans mes réussites pour observer les autres et, dans le silence de cette grande chambre, je ne vois que leurs poitrines se soulever au rythme de leur respiration.
La nuit est tombée depuis plusieurs heures. Le chirurgien entre dans la salle. Il est seul et sa démarche est plus lente qu'à l'habitude. Il tire un tabouret à lui pour s'asseoir. Il se penche sur moi, examine rapidement les plaies.
- On progresse, Fournier, on progresse. Vous êtes hors de danger. Je pense que vous vous en doutiez, non? Maintenant, il nous reste ce trou. Mon problème, c'est comment arriver à endiguer ce flot continu de salive. Tirer de la peau pour refaire la lèvre supérieure, c'est rien; le plus dur, c'est de faire prendre les greffes de cartilages pour que cette peau puisse s'appuyer sur du solide. Vous avez eu de la chance d'une certaine manière: votre langue est pratiquement intacte. Vous avez tout ce qu'il faut pour parler, mais pour que ça devienne audible, il faudrait pouvoir canaliser le son. Pour l'instant, il part dans tous les sens, inévitablement. Mais on va y arriver, vous verrez.
Puis, se retournant pour contempler la salle:
- Pas encore grand monde ici. Si vous voyiez chez le simple soldat: on travaille à guichet fermé. La première salle, de quarante-huit lits, est pleine. De mémoire de chirurgien, on n'avait jamais vu ça. Surtout pour les blessures du visage. C'est à cause de l'artillerie. Les Boches, c'est pas le genre à balancer du petit plomb. La médecine avance, elle fait des pas de géant. D'ici la fin de la guerre, on refera des faces à neuf, comme si rien n'était arrivé. De la destruction massive pour élever le niveau de la connaissance, c'est paradoxal, non? Bon, il va falloir que j'y aille, j'opère à cinq heures demain matin; j'en ai fait quatorze aujourd'hui et il n'y en avait pas deux de pareils, il y a tellement de cas différents que je me demande si un jour on va arriver à une typologie des problèmes. Les jambes, les bras, c'est simple, on coupe. Plus ou moins haut, mais on ne fait que couper. En maxillo-faciale, le problème n'est pas d'amputer, mais de faire repousser, et ça, c'est passionnant. Plus pour nous que pour vous, j'en conviens. Allez, cette fois, je vais me coucher.
Il me fait une petite tape amicale sur le bras en se levant, puis s'en va jeter un oeil sur mes camarades avant de quitter la pièce en lâchant un grand soupir.
Il est déjà tard. J'ai décidé de me relever. J'ai mal. J'ai froid de l'intérieur. Je défais un des nombreux lits inoccupés pour me saisir d'une couverture dans laquelle je m'enroule comme un Indien d'Amérique. Je marche dans le couloir en direction des lumières de la rue. Là, à la fenêtre, je trouve naturellement un angle où la vitre, fusionnant l'obscurité profonde de l'hôpital et la lumière des becs de gaz, dessine une image qu'elle me renvoie. Je suis dans ce qu'on appelle une "phase de séchage", je n'ai pas le moindre bandage et je découvre ainsi l'image d'un homme avec au milieu du visage un tunnel aux contours loqueteux. Ce reflet irréel et pourtant vrai ne m'affecte pas; je m'étonne de ne pas avoir envie de pleurer ni de ressentir la moindre angoisse, et je suis d'autant plus surpris quand mon estomac, consciencieusement, se met à vomir sur la couverture empruntée. Je n'en suis plus à compter les défaites.
Bonnard fait son entrée après la séance de soins du début de l'après-midi. Il semble toujours aussi impressionné, à l'affût de détails qui viendraient lui confirmer que c'est bien son ami qui est en face de lui. Il approche sur la pointe des pieds, de peur de réveiller ceux dont on attend fébrilement le retour à la conscience. Il me tend une lettre:
- C'est tout ce que j'ai trouvé dans ta boîte.
Je décachette l'enveloppe. Je ne veux pas lui donner une importance inconsidérée. Cette lettre est mon ultime lien avec le monde. De ma main qui ne sert pas à tenir la lettre, je serre l'avant-bras de Bonnard comme si j'étais au bord d'un précipice. Et je lis:
Cher Adrien,
Le moment que j'ai volé à vos côtés m'a paru bien court, mais d'une délicieuse intensité. J'ai cédé à la profondeur de votre regard, qui donne cette impression de force à votre visage si parfait. Nous avons cédé, j'en suis sûre, à cette folle journée de mobilisation. Vous connaissez mes engagements et la nécessité qu'a de moi celui auquel je suis liée. Se revoir serait une folie. Il ne faut rien construire sur cet attrait physique partagé mais sans lendemain. Il serait trop cruel de votre part de m'en tenir rigueur.
Pardonnez-moi donc de ne vous laisser aucune adresse et de confier aux soins du hasard de nous revoir un jour. Je n'oublierai pas le visage qui m'a enchantée. Merci de me laisser à mes devoirs.
Votre sincère et dévouée,
Clémence
Je replie la lettre consciencieusement. Je la pose sur ma petite table de chevet. Je prends mon ardoise d'écolier, ma craie, et j'écris:
- Merci de t'être dérangé, cette lettre était importante. Parle-moi de toi, que deviens-tu?
- Je suis affecté au bureau d'études de Bachelot et Roy, une usine d'armement qui fait des fûts de canon. J'ai l'impression d'être utile, je participe à l'effort de guerre. Bien sûr, mon nom ne sera pas inscrit dans les livres d'histoire pour les enfants, mais je fais de mon mieux pour aider le pays. As-tu des nouvelles du front?
Je fais non avec mon index.
- On a eu chaud: les Allemands nous ont fait reculer sur les bords de la Marne. Finalement, on a réussi à les repousser. Il s'en est fallu de peu qu'ils n'entrent dans Paris. Nous avons repris l'offensive maintenant, mais je crains que la guerre ne dure plus longtemps que prévu. Si tout n'est pas terminé avant l'hiver, il faudra attendre au moins le printemps, ou l'été.
Nous sommes dimanche. Bonnard passe le reste de l'après-midi assis à côté de mon lit. Je ne lui propose pas de petite promenade, je n'ai pas le courage d'affronter le regard d'un homme debout, même si c'est un estropié, c'est encore trop tôt. Je condamne donc Bonnard à me parler pendant tout cet après-midi. Et son agilité dans l'art difficile du monologue me montre une fois de plus la finesse de son esprit et la qualité de son amitié.
Je me souviens de son goût pour la peinture et de ses dons que j'ai pu entrevoir lorsqu'il laissait traîner un dessin ou une aquarelle dans sa chambre d'interne à l'école. Je sais que c'est une passion d'autant plus forte que c'est sa petite main qui peint, alors qu'il s'est obligé à écrire de la main gauche. Il me parle des cubistes, ses maîtres, et m'affirme que cette école ne résistera pas à la violence de l'époque. Que lui-même travaille à donner plus d'expression à son travail et que l'après-guerre sera une période de profond bouleversement pour l'art pictural.
Lorsqu'il me quitte à la nuit tombante, sans jamais m'avoir vraiment parlé de lui, il promet de revenir le dimanche suivant.
La dernière infirmière passée, les lumières se sont éteintes les unes après les autres. J'ai rendu mon repas, mon estomac est las de travailler seul, sans aucun soutien de mes dents. Mes glandes salivaires s'emballent en produisant d'énormes quantités de mousse. Je ne sens aucune amélioration sur le chemin de la déchéance. J'attends qu'un nourrisson soit arraché à l'amour de ses parents pour qu'on me ponte la mâchoire supérieure. Celle dont j'attendais un peu de vie m'écrit pour me clouer sur une porte comme une chouette blanche et nous sommes sur le point de perdre la guerre; Bonnard me le cache par amitié.
Je me lève à tâtons pour rejoindre le placard où sont rangées mes affaires militaires, en attente de consignation dès que ma réforme définitive sera prononcée. Mon pistolet est bien là, dans son étui. Erreur administrative: il aurait dû être consigné. Je sens sa lourde crosse. Les balles sont dans la ceinture. J'en prends trois, que j'enfonce avec beaucoup de précautions dans le barillet. Trois balles pour trois bonnes raisons de mourir. J'appuie le canon sous mon oreille, le seul endroit indolore de ma tête.
C'est une étrange sensation que de se sentir à sa propre merci. Un moment privilégié pour réaliser à quel point l'existence se déroule dans la peur de la fin.
Ce n'est ni l'image de ma mère, ni celle de ma soeur ou de mon grand-père qui m'empêchent d'appuyer sur la détente; c'est simplement l'idée que je suis en train de terminer un travail commencé par les Allemands.
Je range finalement mon pistolet dans sa sacoche, là où je l'avais pris. Je referme le placard avec grand bruit, en espérant que mes compagnons vont enfin se réveiller.
Le service occupe maintenant cinq chambres. Au premier étage, deux chambres pour les simples soldats. Au deuxième étage, une chambre pour les officiers subalternes blessés de la face. Au troisième, une chambre pour les officiers subalternes défigurés et, au fond du couloir, une chambre plus petite pour les officiers supérieurs. Cette chambre ne compte qu'un seul pensionnaire, un colonel.
Le premier de mes deux compagnons à sortir de l'inconscience est celui qui tient dans sa main refermée un petit crucifix d'argent. C'est un capitaine de cavalerie tombé lors d'une offensive matinale dans l'Argonne. Henri de Penanster, c'est le nom inscrit sur la fiche accrochée aux barreaux de son lit. Sûrement un Breton. La moitié de son menton a été emportée par un éclat d'obus qui lui a déchiré la carotide au passage. L'oeil crevé, l'orbite défoncée, c'est un fer du cheval qui le suivait et qui l'a heurté en retombant tué par les balles de l'ennemi, alors que Penanster gisait déjà, couché par sa première blessure. Penanster aurait dû se vider comme un lapin, si la boue n'était pas venue endiguer l'hémorragie de sa carotide ouverte. Encore conscient et se croyant condamné, il a supplié une petite infirmière de l'avant de lui procurer une croix. Elle a décroché celle qui était à son cou; il l'a prise dans sa main qu'il n'a plus desserrée, même dans ses moments de profonde inconscience.
Il n'avait pas encore repris ses esprits qu'on lui a installé un ouvre-bouche à vis pour lutter contre la constriction des mâchoires. Chaque jour, une infirmière vient mesurer les progrès de l'ouverture buccale, qu'elle note soigneusement sur une feuille de papier suspendue au pied de son lit.
Pierre Weil, le pilote brûlé, est recouvert de matières grasses sur le visage et sur les mains. Lorsqu'il a été touché, son moteur s'est enflammé, lui embrasant les mains et le visage autour des lunettes qui protégeaient ses yeux. Comme le sort n'en avait pas encore terminé avec lui, l'atterrissage en catastrophe s'est achevé contre un arbre qui l'a projeté en dehors de l'habitacle, le sauvant de l'incendie en lui fracassant le visage.
Il n'y a finalement que les morts qui puissent nous envier. Et encore, j'en doute.
Clémence est en filigrane dans toutes mes pensées. Le sentiment de trahison qu'a fait naître sa lettre ne m'a détourné d'elle que pendant quelques jours. Je sais que je la reverrai, cela dût-il prendre des mois, des années. Je la regarderai se faner, je verrai le temps affaiblir ses contours, creuser sa beauté. Car moi, le mutilé de la face, je ne vieillirai pas. La guerre m'a fait vieillard à vingt-quatre ans. Je n'ai pas eu le courage de me suicider. J'ai eu le courage de ne pas me suicider. La rancoeur, l'aigreur menacent. Je fais face à l'ennemi intérieur.
Les feuilles des arbustes de la cour des convalescents ont pris leurs couleurs d'automne. Elles commencent à tomber, couvertes de givre. La guerre prend ses quartiers d'hiver, chacun se cantonne dans ses positions, dit-on. Bonnard avait raison. Bonnard a souvent raison. De nouveaux pensionnaires ont rejoint la chambre du silence. Aucun ne parle. On se croirait dans une bibliothèque où chacun étudie dans le respect des autres. Les plus hardis se lancent - le plus souvent la nuit - mais le son qui sort d'eux ne dépasse pas celui de l'eau qui bout. Ils sont arrivés, jeunes, moins jeunes. Qu'importe maintenant, les blessures ont aplani les différences.
Les dix places sont occupées, la chambrée a fait le plein. Penanster et Weil ont été installés de chaque côté de mon lit. Penanster fait ses premiers pas, sans toutefois lâcher les barreaux de son lit. On l'a libéré de son ouvre-bouche qui ne donnait pas les résultats espérés. La pince en bois qui lui a succédé a également déçu. On lui a finalement préféré le sac de charbon, qui prend appui dans la mâchoire inférieure à l'aide de cordelettes. Tous les après-midi, il passe une heure debout, dos au mur. Une sangle au front lui plaque la tête contre ce mur afin qu'elle ne bascule pas sous l'effet du sac de charbon qui tire la mâchoire vers le bas. Et tout cela se passe dans une salle qu'on appelle la chambre des suppliciés, un local effrayant où les blessés se succèdent pour des exercices au cours desquels des appareils diaboliques sont censés venir à bout des problèmes de constriction. Les résultats ne se sont pas fait attendre. Il a gagné un centimètre et demi d'ouverture en sept semaines. Plus que trois ans et il sera en mesure d'ouvrir le bec aussi largement que le corbeau de La Fontaine.
Penanster fait sa prière dans l'obscurité, matin comme soir. Je me demande ce qu'il peut bien Lui dire et comment il peut Lui parler sans L'engueuler. Weil ressemble à un crâne préhistorique, les sinus à l'air. Sa lèvre inférieure est épaisse et lui donne l'air boudeur. Cet homme-là sait rire avec ses yeux. La fumée de l'aéroplane en flammes lui a brûlé les bronches et les cordes vocales, mais je sais qu'il sera le premier à reparler. Et quelque chose me dit qu'on ne le regrettera pas.
Avec l'arrivée des nouveaux, on a augmenté le nombre des infirmières. Je m'étonne qu'elles soient de plus en plus jeunes et de plus en plus jolies. J'imagine qu'on a souhaité égayer le paysage ordinaire des grands mutilés pour leur mettre du baume au coeur. Je m'en ouvre à l'infirmière-chef, ma complice, qui s'occupe de moi comme d'un nouveau-né, à l'aide de ma petite ardoise et de ma craie.
- La vérité, me chuchote-t-elle à l'oreille à l'heure de la sieste, c'est qu'on a mis les plus jeunes à votre étage parce que, plus bas, elles ne se gênaient pas pour aguicher les blessés. Vous pensez, des mois sans hommes... Tous partis à la guerre. Le résultat, c'est que ça commençait à fricoter. C'est venu aux oreilles du médecin-chef, qui a piqué une colère et a décidé d'envoyer toutes les jeunes à l'étage des maxillo-faciaux: "Comme ça, elles seront pas tentées!" a-t-il dit.
Alors que la petite cour semble engoncée dans les premiers froids de l'hiver, le médecin m'annonce qu'une maternité parisienne a eu l'obligeance de recueillir le corps d'un enfant mort-né et de le lui transmettre. Les principales pièces du squelette ont été prélevées et, précise-t-il non sans une certaine satisfaction, conservées à la glacière dans de la vaseline.
- Les conditions de votre opération sont réunies. Nous allons vous opérer demain matin à l'aube. C'est une longue opération et, à ma connaissance, une première dans le domaine de la greffe de maxillaire supérieur. Evidemment, il faudra compter deux ou trois mois de consolidation.
Je refais inlassablement le même calcul. Trois mois pour la mâchoire supérieure. Puis trois mois pour le palais. Si tout se déroule normalement, dans six mois je parle. "...
Que lire aujourd’hui avec ce temps tout mou et mouillé qui n'incite guère à la balade?
j'hésite,
une aventure de Wallander, toujours captivante et haletante?
le livre d'Alain Finkielkraut "L'identité malheureuse "
ou bien cet ouvrage qui s'annonce déjà passionnant ?
"La Symphonie de Leningrad"
de Sarah Quigley
lire la belle critique de Bruno Frappat
http://www.la-croix.com/Culture/Livres-Idees/Livres/Bombardement-en-musique-2013-10-30-1053522
Que serai - je sans toi ?
Je ne peux vivre sans toi,
Stefan Zweig, Roland Barthes, Marcel Proust, Stendhal,
Doris Lessing, Flaubert,Thomas Mann, Tchékhov,
Marguerite Yourcenar, Henning Mankell, Faulkner
et tant et tant et tant d'autres sans qui je ne saurais vivre.
Depuis hier soir , j'ai plongé dans
" Les Chaussures Italiennes "
un superbe roman d'Henning MANKELL qui m'embarque dans un voyage initiatique au bout de la vie.
Ne le ratez pas
" LES MOTS " de Jean Paul Sartre
" ...J' ai commencé ma vie comme je la finirai sans doute : au
milieu des livres.
Dans le bureau de mon grand-père, il y en avait partout
défense était de les faire épousseter sauf une fois l'an, avant la
rentrée d'octobre. Je ne savais pas encore lire que, déjà, je les
révérais, ces pierres levées : droites ou penchées, serrées comme
des briques sur les rayons de la bibliothèque ou noblement
espacées en allées de menhirs, je sentais que la prospérité de
notre famille en dépendait..."
Et vous, que lisez-vous pour vivre ?
Isaac Bashevis SINGER
et un Clin d’œil à Tante ASTRIDELLE
21:16 Publié dans actu, Anthologie personnelle de la poésie, Aquitaine et Grand Sud Ouest, Arcachon, automne 2015, Automne 2018, Cadeau, Dire l'Amour , Autour du coeur..., Été 2014, Eté 2015, Lire, Bouquins - bouquins, des livres pour vivre, Passions, printemps 2015, Pyrénées-Atlantiques, Vive la radio | Lien permanent | Commentaires (12) | Tags : boualem sanlam, 2084, la fin du monde, gallimard, la grande librairie, yasmina khadra, prix goncourt, sur la lecture, guillaume gallienne, france inter, ça peut pas faire de mal, proust, georges bourgeade, livre, lire, passion, hommage, vénération, plaisir, bonheur, bibliothèque, pléiade, sartre, les mots, pierre lemaître, hennig mankel, marc dugain, adeline dieudonné, gaëlle josse
27/09/2018
L'automne, au bord du Bassin
En septembre, on peut croire à la fin d'été,
jours plus courts , champignons, feuilles d’impôts, augmentation
de plein de trucs, sauf la retraite, diverses "rentrées", classes,
activités, ...
Le calendrier nous a claironné le début de l'automne...mais...
...c'est sans compter avec les surprises du climat,
avec les bouffées de chaleur qui remontent d'Espagne
et qui envahissent notre Sud Ouest
Une douceur, une chaleur plus qu'estivale,
le Bassin d'Arcachon se dore au soleil de septembre .
Temps heureux, où les plages ont retrouvé le calme, point de cris,
point de foule,
un public rare, amateur d'arrière saison voluptueuse, des bains
de rêve, l'eau flirte avec les 20 degrés, aucune difficulté pour y
rentrer,
il faut faire appel à la raison pour en sortir... on est si bien !
Tiens, et si on regardait d'en haut ?
Histoire de bien vérifier que le bassin est un lieu unique
et splendide
Il fait chaud à nouveau, et les bains reprennent de plus belle .
Le bassin s'anime, travail pour les uns, départ des plates vers
les parcs à huitres, loisirs pour les autres.
voiliers qui tracent dans le bleu,
pinasse longeant l’île aux oiseaux.
Le soleil qui darde et chauffe comme on aime, tout Arcachon
baigne dans le parfum exquis des petites fleurs blanches des
elaeagnus ebbingei dont on fait les plus agréables haies
qui soient.
Les couchants sur le bassin sont particulièrement beaux,
les pêcheurs de nuit reprennent possession des grèves dès la
tombée du jour .
La saison est belle, et ma part est bonne.
Comme si j'y étais en cet automne, on peut rêver, non ?
Merci à M.pour ses photos au dessus du bassin.
14:39 Publié dans .... de familiae vita, actu, Aquitaine et Grand Sud Ouest, Arcachon, Automne 2018, Dire l'Amour , Autour du coeur..., Environnement, nature, Mon bassin, Nager, Objectif et grands formats, Passions | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : arrière saison, pereire, bassin, elaeagnus ebbingei, arcachon, survol, avion, dune du pilat, domaine de certe, pointe du cap ferret, automne